Longtemps associée aux gratte-ciel vertigineux, aux voitures de luxe et aux extravagances de ses hôtels sept étoiles, Dubaï est aujourd’hui en train de se forger une place inattendue dans un univers bien différent : celui du chocolat haut de gamme. Si la Suisse, la Belgique ou la France restent les patries incontestées de la gourmandise cacaotée, l’émirat entend bien s’imposer comme une référence en matière de chocolat d’exception, conjuguant innovation, raffinement et expérience sensorielle.
Dans les salons de luxe de l’aéroport international, dans les centres commerciaux ultramodernes, et désormais dans les circuits de dégustation prisés des touristes, le chocolat émirati — souvent fabriqué sur place à partir de fèves rares importées d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie — séduit une clientèle exigeante. Derrière cette success-story se cache une volonté plus large : faire de Dubaï une capitale du luxe culinaire. Entre traditions orientales et exigences du goût occidental, comment le chocolat de Dubaï est-il en train de redéfinir les codes du secteur ?
De l’or comestible aux fèves rares : le luxe version cacao
À Dubaï, le chocolat n’est pas simplement une douceur : c’est un objet de prestige, souvent serti d’or comestible 24 carats, aromatisé à la rose ou au safran, présenté dans des coffrets somptueux. Ce positionnement premium s’inscrit dans l’ADN de l’émirat : transformer l’ordinaire en extraordinaire. Des maisons locales comme Forrey & Galland, Coco Jalila ou Al Nassma, qui fabrique le premier chocolat au lait de chamelle, incarnent cette approche singulière du produit.
Al Nassma, justement, a attiré l’attention internationale en combinant innovation locale et production responsable. En utilisant le lait de chamelle – produit emblématique du désert –, la marque propose un chocolat unique, plus riche en vitamine C et en fer, sans lactose, et aux notes étonnamment douces et florales. Un produit à la fois local, sain et différenciant, à destination d’un marché global.
Quant à Forrey & Galland, maison fondée à Dubaï mais inspirée de l’art de vivre parisien, elle incarne l’alliance parfaite entre raffinement européen et touches orientales. Les saveurs proposées flirtent avec l’artisanat d’art : ganache au safran d’Iran, praliné aux dattes Ajwa, ou truffes infusées à l’eau de rose. Le tout, conditionné dans des boîtes dignes d’un joaillier.
Dubaï a également su intégrer à sa stratégie gastronomique la provenance des fèves, en important des crus rares du Venezuela, de Madagascar ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée. La torréfaction est réalisée sur place, avec une volonté croissante de développer des ateliers « bean-to-bar » (de la fève à la tablette), gage de traçabilité et de qualité artisanale.
Une stratégie touristique et culturelle autour du chocolat
Mais le chocolat à Dubaï, ce n’est pas seulement du commerce : c’est aussi une expérience touristique et éducative. De nombreux hôtels 5 étoiles proposent désormais des ateliers de fabrication de chocolat ou des dégustations guidées, à l’image de ce qui se fait dans les vignobles français ou les plantations de café en Colombie. Cette montée en gamme accompagne le positionnement de Dubaï comme destination culinaire de luxe.
Chaque année, l’émirat organise également des salons et festivals autour du chocolat et du café, attirant chefs pâtissiers de renom, chocolatiers du monde entier et marques prestigieuses. L’objectif est clair : faire de Dubaï un hub du chocolat premium, à la croisée des continents.
Cette dynamique s’inscrit dans une politique plus large de diversification économique. Si les Émirats arabes unis ont longtemps vécu de leur rente pétrolière, ils misent désormais sur la gastronomie, la culture, la technologie et le tourisme. Le chocolat, en tant que produit de niche à forte valeur ajoutée, devient un vecteur d’image, mais aussi de développement économique local, notamment par la création d’emplois dans la transformation, la vente ou l’exportation.
Dubaï réussit un pari audacieux : s’inviter dans l’univers très codé du chocolat de luxe, en y injectant sa propre culture, son goût du raffinement, et sa capacité à innover. Dans un monde où les consommateurs recherchent à la fois authenticité, qualité et expérience sensorielle, le chocolat made in Dubaï a su trouver un créneau unique.
Si certains puristes du cacao pourront rester sceptiques face aux feuilles d’or ou aux recettes audacieuses, force est de constater que l’émirat parvient à réconcilier tradition et modernité, exotisme et rigueur artisanale. Reste à voir si, au-delà de l’effet de mode, Dubaï parviendra à s’imposer durablement dans les palmarès mondiaux du chocolat, non plus seulement comme consommateur de luxe… mais comme créateur d’excellence.