Après s’être fait mordre volontairement plus de 200 fois en 18 ans, cet ancien mécanicien fascine aujourd’hui les scientifiques du monde entier. Son incroyable résistance a récemment permis à des chercheurs de faire un pas décisif vers la création d’un antidote universel, capable de neutraliser les poisons de dizaines d’espèces venimeuses.
Un cobaye volontaire pour faire avancer la science
« Je les laisse me mordre le bras. Je fais ça pour sensibiliser le public aux morsures de serpent », a confié Tim Friede, interrogé par Le Figaro dans un article publié le 10 mai 2025. À travers ses vidéos, partagées sur les réseaux sociaux, il documente chaque effet, chaque douleur, chaque danger. Parmi les spécimens à avoir goûté à sa peau : cobras royaux, crotales, mambas noirs… Certains des serpents les plus redoutés de la planète.
Mais l’objectif de Tim Friede dépasse le simple défi personnel : il entend offrir à la médecine les clés d’un futur sans morsures mortelles. Car chaque année, selon l’Organisation mondiale de la santé, les morsures de serpent tuent environ 138 000 personnes, et causent jusqu’à 400 000 amputations ou paralysies.
Une immunité hors norme
Au fil des années, son corps a changé. Il a survécu à un coma de quatre jours, à des douleurs chroniques, à des réactions violentes. Mais il a aussi développé une immunité exceptionnelle. En 2017, le scientifique Jacob Glanville, fondateur de la biotech américaine Centivax, tombe sur ses vidéos. Dans l’une d’elles, Tim se fait mordre par deux espèces venimeuses : un mamba noir et un taipan. Fasciné, Glanville le contacte : « Je cherchais un expert des serpents mordu par mégarde, peut-être une ou deux fois. À la place, j’ai trouvé Tim Friede », raconte-t-il à Sciences et Avenir.
Leurs chemins se croisent, et un projet scientifique voit le jour. À partir du sang de Tim, les chercheurs parviennent à isoler deux anticorps inédits. En les combinant à une troisième molécule déjà connue, ils créent un cocktail expérimental qui protège les souris contre le venin de 13 espèces de serpents parmi les plus dangereuses du monde.
Vers un antivenin universel ?
L’objectif de Glanville est clair : créer un antivenin unique, capable de remplacer les dizaines de sérums spécifiques actuellement utilisés. Aujourd’hui, chaque espèce de serpent nécessite un traitement différent, coûteux à produire et souvent indisponible dans les régions les plus touchées. Avec un traitement universel, les secours pourraient intervenir plus vite, avec un seul produit pour sauver un maximum de vies.
Les travaux se poursuivent, et des essais sont désormais envisagés sur des modèles animaux plus avancés. L’enjeu est immense : un traitement accessible, efficace, et rapide à administrer pourrait transformer le quotidien de millions de personnes vivant dans des zones à risques, notamment en Asie du Sud-Est, en Afrique subsaharienne et en Amérique latine.
Une avancée scientifique… et humaine
Ce que l’histoire de Tim Friede révèle, c’est aussi la puissance de la passion et de la détermination. À force d’endurance, d’expérimentation risquée, parfois au péril de sa santé, il a offert à la science une opportunité précieuse. « Trop fort, trop tôt, j’avais l’air d’un lépreux après cette morsure de mamba noir. Pour le crotale, un mois entier de douleur, impossible de s’asseoir, de dormir, de manger normalement », se souvient-il dans son journal personnel. Les anticorps développés par son organisme sont désormais des armes biologiques étudiées dans des laboratoires de pointe. Et peut-être demain, dans les valises des urgentistes et des ONG, partout où les morsures tuent encore faute de soins adaptés.
L’histoire de Tim Friede, relayée par The Washington Post, Le Figaro Santé, et de nombreux médias internationaux, pourrait bien inspirer une nouvelle génération de chercheurs. Car ce que la science n’a pas réussi à faire en laboratoire, un homme a peut-être réussi à l’initier… avec son propre sang.